On prépare Noël

Nantes, le 23 décembre 2024

Ces derniers jours, nous avons repoussé à deux reprises notre projet de nous rendre Prairie de Mauves, tant il fut difficile de trouver le temps d’une éclaircie entre un épisode de grêle et un début de tempête … 

Les premières visites nous ont aussi appris qu’il est préférable d’attendre la fin de la journée de travail, pour espérer croiser du monde sur le bidonville. En effet beaucoup des personnes qui vivent sur le terrain travaillent chez les maraîchers du coin ou en intérim dans le bâtiment, la logistique ou le nettoyage. C’est ainsi que vers 17h00, à la nuit tombante, on croise une étrange file de voitures qui remontent tout phares allumés l’allée centrale évitant difficilement les flaques de boue. 

Une caravane photographiée à la nuit tombante. Une guirlande a été installée sur le haut de la caravane

En cette fin décembre, les guirlandes de Noël accrochées sur les caravanes donnent à la lumière crépusculaire un air de fête. Depuis quelques semaines, les habitants ont renforcé leur abri avec des bâches et des planches pour espérer garder un peu de chaleur et ont fait des réserves de bois pour alimenter le poêle. A l’approche de Noël, certains ont suspendu de gros saucissons devant le porche de leur caravane qu’ils décrocheront pour le repas du Réveillon. 

Une femme tient un enfant dans ses bras à côté d'un sapin de noël
Une femme tient un enfant dans ses bras dans l'entrebâillement d'une porte

Rodica, elle, a installé un sapin sous son auvent devant lequel elle accepte de se faire photographier avec ses petites filles, posant fièrement. C’est la première fois qu’on la rencontre mais en échangeant quelques mots de français et de roumain et en s’aidant de grands gestes, on comprend qu’elle est la belle-mère d’Alina qu’on avait photographiée la dernière fois. Elle nous apprend aussi que cette dernière est partie pour deux mois en Roumanie pour les fêtes. Dans les familles, ces retours au pays sont fréquents, en été comme en hiver, car une partie des parents ou enfants vivent encore sur place.

Une femme sur un chemin balaie et brule des ordures

Sur le chemin du retour on s’arrête pour saluer Nicola et ses 4 fils qu’on avait aussi photographiés lors de notre dernière visite (on essaie de retenir les prénoms dans l’ordre de la fratrie car les 4 garçons se ressemblent tellement qu’on les confondrait : Abel, Emmanuel, Rafael et Mateo). Tous les quatre sont nés en France et les deux aînés sont scolarisés à l’école Jean Moulin dans le quartier de Malakoff1

Nicola rappelle que depuis qu’il est arrivé en France en 2010 avec sa femme Léounita, il a toujours travaillé. Il égrène ses références : « d’abord à Carrefour, puis dans le maraîchage, et aujourd’hui dans les tomates. » Tous les deux ont accepté de témoigner dans le reportage de M6 Enquête exclusive que j’évoquais dans mon précédent billet, montrant leurs fiches de paie et leurs cotisations à la MSA. « J’ai même amené le journaliste chez moi au pays… » Dans la séquence on le voit raconter qu’il économise sur son travail en France pour construire une maison neuve en Roumanie au village de Burila Mica, dont il est originaire (comme beaucoup des habitants de la Prairie de Mauves)… Devant l’entrée de sa caravane ce soir-là il nous redit ce qu’il avait raconté devant les caméras de M6 : « C’est la tradition chez nous, on doit construire une maison pour chaque enfant et je viens de finir celle d’Abel…» Avant d’ajouter : « Je l’ai pas choisie, c’est ma vie ».

  1. Le quartier de Malakoff est un quartier Nantais dont une grande partie est classée Quartier Politique de la Ville (QPV)  ↩︎