
Il y a quelques jours je photographiais ce tract dans les couloirs de l’école d’architecture à Nantes : « On veut des salaires de sorcières ! » L’iconographie renvoie à cette figure de la sorcière résistante qui était au fondement du célèbre Manifeste WITCH lancé par des féministes new-yorkaises en 1968 : « Il n’y a pas d’adhérentes WITCH. Si vous êtes une femme et osez regarder en vous-mêmes, vous êtes une sorcière ». Cette dimension féministe de la figure de la sorcière nous est aujourd’hui très familière et est associée à une remise en cause du pouvoir patriarcal.
Ce tract a guidé le choix de ce nouveau #lundilecture de Plan 9 : Sorcières et sorciers. Histoire et mythes. Dans ce petit livre au sous-titre un peu provocateur – « lettre aux jeunes féministes » – l’historienne Michelle Zancarini-Fournel assure qu’il s’agit d’un contresens historique que d’entendre la sorcière comme une femme puissante. Ainsi, selon elle, la« chasse aux sorcières » du milieu du 15e au milieu du 17e se serait surtout caractérisée par un processus de dénonciation entre voisins et les victimes auraient été aussi bien des hommes que des femmes. Même si elle reconnaît qu’il est difficile de connaître précisément le nombre de victimes – les sources judiciaires étant lacunaires – les historien·es estiment entre 40 et 70 000 victimes dans l’Europe moderne sur cette période.
La mythologisation progressive de la sorcière – et de l’oubli des sorciers – intervient au courant du 19e siècle, notamment avec l’ouvrage La Sorcière (1862) de Jules Michelet qui insiste sur les savoirs spécifiques et vernaculaires de ces sorcières s’opposant à la médecine moderne. C’est cette figure alternative et rebelle qui va ainsi progressivement réussir às’imposer jusqu’à devenir l’icône des mouvements féministes.