

C’est la tempête. Mon pantalon de la veille n’a toujours pas fini de sécher alors j’ai exhumé du fonds du placard mon pantalon imperméable dont je dois recoudre la couture déchirée depuis des mois.
Il fait encore nuit au début de la balade, mon attention est focalisée sur les flaques d’eau que j’évite dans la pénombre. Sur le chemin du retour le jour se lève mais on n’y voit pas grand chose à cause des bourrasques de pluie qui nous arrivent dans la figure. J’ai perdu le fil des articles dont mon appli me fait la lecture quand j’entends
Emmy a fait promettre à sa mère, Laure Marivain, d’« aller au bout ». Emmy est morte le 12 mars 2022, après sept années à lutter contre un cancer. Elle avait 11 ans.
Stéphane Mendard, Le Monde, 9 octobre 2024
Ce sont les premiers mots d’un article qui expose les effets structurels de l’exposition aux pesticides sur les professionnel·les de la fleur tout en racontant le combat politique et judiciaire de la mère d’Amy, ancienne fleuriste.
Sa fille a été exposé in utero aux pesticides et a développé une leucémie. Elle est la première enfant dont le décès est reconnu et indemnisé par le Fonds d’Indemnisation des Victimes de Pesticides (FIVP). Les parents d’Emmy contestent en justice le montant de l’indemnisation, 25 000 euros pour chaque parent.
Lorsque j’avais lu des articles sur les proches des personnes mortes dans les attentats en France j’avais été marquée par ces procédures d’évaluation standardisées du prix des vies. Encore un signe que la mort n’est pas tabou, on peut la chiffrer et la compenser. Ce qui est tu c’est la perte, c’est ce que cela fait aux proches de perdre de manière injuste l’un des leurs.
Le procès n’est pas financier, il est politique. Il touche au devoir de l’Etat et des industriels de protéger la vie, au droit des personnes que leur vie soit protégée.
« Ce n’est pas l’argent qui nous motive. Quand on porte son enfant mort dans ses bras, ça n’a pas de prix, dit Mme Marivain. Nous souhaitons seulement que les droits de notre fille ne soient pas bafoués et que plus aucune famille ne vive ce que l’on endure. » L’ancienne fleuriste attend aussi du procès que « la culpabilité change de camp ». « Toute ma vie, je porterai ce poids : le sentiment d’avoir tué ma fille à cause de ma profession, témoigne-t-elle. Alors que les lobbys des pesticides continuent à s’enrichir en empoisonnant des enfants. »
Stéphane Mendard, Le Monde, 9 octobre 2024
Reconnaître pleinement qu’Emmy est une victime d’une mort qui pouvait être empêchée, non par ses proches mais par des lois, des normes, le droit du travail, ce n’est pas donner de l’argent à des parents dont la perte est incommensurable, c’est leur dire, que nous société, avions le devoir de protéger leur fille, qu’elle était en droit d’attendre de nous que sa vie soit protégée.