Event Horizon est un film de Paul W. S. Anderson sorti au cinéma en 1997. C’est un film de studio entouré d’une aura de mystère. Il existerait une trentaine de minutes de film très gore et malsaines tournées avec des acteur·rices porno qui n’ont jamais fait l’objet d’une édition Director’s cut. Le film, échec commercial à sa sortie comme Prince des ténèbres dont on parlait la semaine dernière, a trouvé son public au fil des années, notamment parmi les communautés du jeu de rôle et du jeu video, attirés par l’atmosphère infernale et moyenâgeuse du film.

Dans mes billets je ne fais pas de critiques de film, je regarde le film avec le chat pour analyser ce que les films de genre nous apprennent des mondes dans lesquels nous vivons. Et pour cela, je divulgâche TOUT et pas dans le bon ordre. Lisez à vos risques et périls, vous avez été prévenu·es.
En 2015, une colonie humaine s’est installée sur la lune. En 2032, l’exploitation commerciale minière de Mars a commencé. En 2040, le vaisseau spatial de recherche Event Horizon a été envoyé pour explorer les frontières du système solaire. Il a disparu près de Neptune.
En 2047, le docteur Weir, le scientifique qui a conçu le vaisseau lance une expédition pour le retrouver après avoir capté un son semblant venir de l’équipage – ambiance cris et sons distordus. Des militaires sont chargés de le seconder dans cette tâche.
Dés le départ, un élément psychologique est montré pour signifier que les choses mal tourner. Weir est hanté par le souvenir de sa compagne dont on apprendra plus tard qu’elle s’est suicidée dans la baignoire familiale. Il décide d’une expédition aux frontières de l’exploration spatiale – peu de vaisseaux ont atteint Neptune – pour aller chercher les réponses à ces questions dans un vaisseau fantôme qui devait atteindre les confins du monde connu. La figure de Weir emprunte autant à l’apprenti sorcier qu’au savant fou. Comme les protagonistes de Prince des ténèbres, il essaie de résoudre par la science les mystères du devenir des mort·es.
Weir est secondé dans sa tâche par un équipage militaire qui n’a pas vraiment choisi d’être là.
Arrivé aux abords de Neptune, l’équipage trouve l’Event Horizon. De l’extérieur, son design évoque un crucifix dont la partie basse – abritant les espaces de vie de l’équipage – a la forme d’un grand casque moyenâgeux tendance bestiale.
Très vite, un évènement – l’explosion accidentelle de leur navette- coupe l’équipage de toute possibilité de fuite et les condamne à rester à bord de l’Event Horizon.


Deux thèmes ressortent fortement du film : la hantise et l’enfer.
L’Event Horizon est alimenté par un moteur conçu par Weir. Il s’agit d’un portail dimensionnel qui en utilisant la force de la gravité à la manière d’un trou noir, peut se déplacer instantanément d’un point A à un point B. Ce procédé devait permettre au vaisseau d’atteindre e point le plus éloigné de notre galaxie. Or le vaisseau est bien allé et revenu de quelque part comme l’atteste le journal de bord du vaisseau, mais où ? Les brèves images qu’un membre de l’équipe parvient à décoder montre des humains nus, énucléés, difformes, couchant ensemble dans tous les sens… sans avoir l’air de trouver ça sympa.
Le portail dimensionnelle ne s’est pas vraiment refermé et il aspire et recrache Justin, un technicien, qui l’étudiait. Le personnage traverse ensuite plusieurs états proches de la mort : d’abord plongé dans le coma, il se réveille possédé par ce qu’il nomme « les ténèbres » et tente de se suicider. il est sauvé in extrémis par son capitaine et placé en stase. La première mort du film est ainsi une non-mort. Son sort pèse sur les autres membres de l’équipage et cela annonce la suite. Les principaux protagonistes voient surgir des morts de leur passé, des morts qu’ils se reprochent.
La mort rode. Littéralement. On voit des objets intimes ayant appartenu à l’équipage original un peu partout dans le vaisseau. On voit aussi leurs chairs et os collés aux hublots du cockpit. « Cet endroit est une tombe » s’exclame un membre de l’équipage de secours.
En fait Event Horizon est moins un film de Science-Fiction qu’une histoire de château hanté dans l’espace.
« Aucun autre bâtiment ne renvoie davantage à la période médiévale » que le château explique l’historien Yohann Chanoir. La signature visuelle du château est avant tout extérieure : tours, remparts… Mais dans un tour de force, l’équipe chargée des décors du film parvient à nous plonger dans un château spatial de l’intérieur. C’est le traitement des couloirs, des ouvertures, le travail du métal comme de la lumière, qui renvoie cette impression.
L’historienne Stéphanie Sauget dit qu’une maison hantée est » une maison troublée et une maison troublante« .
Le caractère troublé du vaisseau apparait à travers les objets ayant appartenu à l’équipage qui jonchent les couloirs du vaisseau, ainsi que dans le traitement des sas et du couloir menant au moteur dimensionnel. Ils semblent littéralement se refermer sur l’équipage pour le broyer.
Le caractère troublant du vaisseau se manifeste à travers les voix et les visions que ne tardent pas à avoir tous les membres de l’équipage.
Stéphane Sauget attribue la hantise des châteaux au spectre de la Révolution française et de tous ces morts au deuil impossible. Ici aussi il y a des deuils impossibles. Weir, le scientifique n’accepte pas la mort de sa femme et Miller, le commandant, se sent responsable de la mort d’un membre de son équipage dans un incendie.
« Je me sens si seule » « j’attends ». Dans ses visions, Weir voit sa femme lui demander de rester avec elle pour toujours jusqu’au moment où il revit le moment de son suicide et s’excuse de ne pas avoir été assez présent. Elle réplique en lui crevant les yeux.
Les frontières entre vivants et morts s’estompent voir s’inverse. Alors que l’équipage meurt peu à peu le vaisseau s’éveille. « Le vaisseau est vivant » s’exclame Miller et il semble vouloir les conduire dans une dimension infernale où la mort est tout sauf un repos pacifiée.
Weir est attiré par la dimension infernale, cette réalité au-delà de notre réalité que la science ne peut expliquer. Il se mue en savant fou, littéralement aveuglé. « où nous allons nus n’avons pas besoin d’yeux pour voir » explique-t-il au capitaine Miller qui se sacrifie pour permettre aux membres survivants de l’équipage, deux hommes et une femme, de s’échapper.
Mais ce sont-ils vraiment échappé ? La femme survivante est à son tour hantée par des visions qui semblent vouloir la ramener au vaisseau.
L’inspiration des décors viendrait de la cathédrale Notre-Dame (Paris). Le religieux est très présent dans le film. Non seulement au travers de la forme en croix du vaisseau mais aussi des une vision de l’enfer comme lieu de damnation et d’altérité radicale. Une altérité qui emprunte à une perspective chrétienne et validiste : des corps difformes, l’infirmité étant le signe d’une culpabilité et la souffrance étant donc méritée (Weir qui n’a pas aidé sa femme par exemple.