Entrée surveillée

Depuis le 15 janvier, une cabane de chantier a été installée sur la Prairie de Mauves. Elle est disposée sur le trottoir, à l’entrée, reliée à un groupe électrogène qui ronronne en continu. Devant la porte, on y croise Didi vêtu de son gilet portant le logo de la société de surveillance qui l’emploie. La petite équipe est composée de quatre hommes noirs, bâtis comme des vigiles, qui se relaient 24 heures sur 24 pour surveiller l’entrée du bidonville : « On doit repérer si des gens viennent faire des dépôts sauvages et empêcher l’arrivée de nouvelles caravanes qui voudraient s’installer sur le terrain », explique Didi. Le matin même l’équipe de vigiles a fait un premier tour du camp pour se présenter officiellement auprès des habitants. Cette première entrevue a rassuré Didi : « Ça s’est vraiment bien passé. Maintenant, tous les jours, on va se relayer pour faire des tours à deux sur le terrain ». 

un pre-fabriqué blanc a été installé sur le site à côté d'un bloc technique rouge juste en bordure de talus

L’enjeu pour la ville est de s’assurer que le premier travail de recensement des caravanes, effectué au début de l’été pour préparer l’opération de résorption du bidonville, ne soit pas mis à mal par de nouvelles arrivées. La crainte des pouvoirs publics, c’est que le processus en cours sur la Prairie de Mauves crée un effet d’aubaine pour d’autres habitants dans les bidonvilles alentour, notamment ceux de Nantes Est, la mairie s’étant engagée à trouver une solution de relogement pour chacun.  

des tuyaux rouges d euros diamètres posés au sol
une caravane renforcée par des bâches et des planches
Deux hommes font un branchement sur un tableau électrique

Mais sur le bidonville, c’est une autre actualité qui occupe les esprits : le raccordement officiel à l’électricité, qui signe la fin des branchements sauvages sur les générateurs de la ville. Une entreprise est venue installer des compteurs sur les premiers terrains et les hommes s’affairent à relier la multitude de fils qui trainent sur le sol vers les caravanes. Des grilles entourent les compteurs mais les consignes de sécurité – traduites en roumain – qui intiment de veiller à garder la porte du coffret toujours fermée ou à ne pas marcher sur les fils, paraissent bien dérisoires. Chacun essaie de se débrouiller pour garantir que la précieuse électricité vienne jusqu’à chez lui. Parmi les hommes qui s’affairent, plusieurs se disent électriciens ou « dans le bâtiment » et semblent maîtriser leur affaire. 

un homme tronçonne des grosses blanches et les met dans le coffre d'une voiture

De l’autre côté de l’allée boueuse, nous croisons Vasil qui entasse du bois, essentiellement des branches d’arbres vestiges de précédentes intempéries, dans le coffre de sa vieille Peugeot break. Vasil habite sur le dernier terrain du bidonville qui n’est pas encore relié officiellement à l’électricité. « Mais on se débrouille », élude Vasil d’un sourire. La réserve de bois c’est pour alimenter le petit poêle qui tourne en permanence dans sa caravane pour réchauffer l’atmosphère et éviter que son bébé, Yassim, ne tombe malade.

Le « terrain du fond », comme on l’appelle entre nous avec Armandine, est celui qui présente des conditions de vie les plus dégradées. Un jour, un médiateur social qui intervient à la Prairie de Mauves, nous a dit que c’était « le coin des ferrailleurs », et les carcasses de voiture qui s’entassent à l’entrée semble confirmer ses dires. Mais surtout, à cet endroit, le terrain semble encore plus boueux qu’ailleurs et le chemin crevassé qui serpente entre les caravanes devient parfois impraticable, surtout en hiver. 

un groupe d'enfants s'amuse avec une grande bâche Sur les cotes on voit des carcasses de voiture

Ce jour-là, dans ce décor de boue et de déchets, Sabin – que tout le monde appelle Roméo – a lancé un grand feu de sacs poubelles pour, nous dit-il, « nettoyer un peu le terrain ». L’enjeu est de taille : dans quelques jours, il marie sa fille : « ça va être une grande fête, venez ! » La suite au prochain épisode…  

un homme marche au loin dans une immense flaque d'eau et de boue. On voit sur le côté un feu et plus loin des caravanes

Le journal est composé de textes de Fred et de photos d’Armandine Penna.