Conjuring

Conjuring est un film de James Wan sorti au cinéma en 2013. James Wan a alors déjà à son actif des films d’horreur marquants comme Saw (2004 et plein d’autres suivront) et Insidious (2011 et quelques autres suivront). Avec Conjuring, gros Blockbuster d’horreur, il atteint une autre dimension et tisse un univers horrifique cinématographique duquel les enquêtes des époux Warren sont la colonne vertébrale.

James Wan et l'actrice incarnant Lorraine Warren regarde une boite à musique, un des éléments du film
James Wan et l’actrice incarnant Lorraine Warren regardent une boite à musique. Crédit photo inconnu.

Dans mes billets je ne fais pas de critique de film, je relève ce que les films de genre nous apprennent des mondes dans lesquels nous vivons. Et pour cela, je divulgâche TOUT et pas dans le bon ordre. Lisez à vos risques et périls, vous avez été prévenu·es

Je suis très attachée à ce film et à l’univers cinématographique qu’il a engendré. J’en aime les histoires comme l’esthétique. Ce bel arbre mort au premier plan duquel se balance une corde, ce brouillard au raz du sol, cette impression d’isolement puissante et la maison à colombage (loin de la ferme du fait divers original) qui se détache en arrière plan. Tous les ingrédients sont là. Sans compter que toute mention « basée sur des faits réels » me fait trépider.

L'affiche du film Conjuring

Nous sommes en 1971 à Harrisville dans l’état de Rhode Island. Par la fenêtre d’une maison on voit arriver un camion de déménagement. 

Les Perron sont une famille de la classe ouvrière. Roger est un chauffeur poids-lourd indépendant, Carolyn élève leur 5 filles, Christine, Andrea, Nancy, Cindy et April, la plus âgée est adolescente, la plus jeune n’est pas encore scolarisée. 

Ils sont hyper heureux d’avoir pu faire une super affaire immobilière. D’ailleurs Carolyn remercie son mari des sacrifices qu’il a consenti pour qu’ils puissent acheter la maison. 

Acquérir une maison destinée à une classe sociale supérieure est une transgression. En effet, les Perron ne s’élèvent pas dans la hiérarchie sociale, ils font une bonne affaire en achetant à bas prix une maison qui vaut beaucoup plus.

Et là c’est le drame parce que l’ordre social ne se laisse pas bouleverser si facilement. Ils croyaient gagner au change, ils se retrouvent avec une bonne grosse présence démoniaque. Et comme ils ont mis tout leur argent dans la maison, ils n’ont pas la capacité financière de fuir la revenante qui y vit.

« On ne peut pas partir. On a tout investi dans la maison et on a fait beaucoup de travaux. Et je ne vois pas qui herbegerait une famille de 7 personnes, indéfiniment” expliquera Roger une fois la hantise bien installée. 

Les Perron déchantent dés la première nuit. Les horloges s’arrêtent à 3H07 et les ennuis commencent.  

Voici justement l’heure de la nuit, cette heure qui ensorcelle, l’heure où les cimetières bâillent et où l’enfer même souffle sur ce monde la contagion. Maintenant, je pourrais boire du sang chaud et faire des actions si amères que le jour frémirait de les regarder…

Hamlet, acte 3 scène 2

En parlant de boire du sang chaud… eh bien paf le chien.

Au réveil, les enfants trouvent le brave animal totalement décédé. La mort prématurée des animaux est très présente dans les films de hantise car les animaux auraient une perception du monde des morts supérieure à la notre. Outre le chien, on voit à plusieurs reprises des pigeons et des corbeaux venir mourir autour de la maison. 

Au fil des nuits, la hantise devient de plus en plus forte. Elle se manifeste par des bruits et des chutes d’objets, notamment les photos de famille. 

Ces manifestations ont principalement lieu dans trois zones de la maison : les chambres, le grenier et la cave, des lieux propices à la peur soit parce que l’on s’y sent d’ordinaire très protégés (les chambres), soit parce que ce sont des marges que l’on connaît mal parce qu’elles servent non pas de lieux de vie mais de pièce de stockage (le grenier et la cave).  Les morts qui se rapprochent, en utilisant des objets qui les lient au monde des vivants comme une armoire qui était déjà là quand la famille a emménagé ou une boîte à musique que la plus jeune des filles trouve au pied de l’arbre mort le premier jour.

Les morts peuvent revenir mais tous les morts ne reviennent pas. Les Perron manquent de bol sont tombés sur une morte qui a encore des choses à régler avec les vivants qui se permettent d’occuper un lieu qui autrefois lui appartenait.

La famille a fait l’acquisition de la ferme d’une sorcière infanticide suicidée pour résumer le problème. Elle ne peut pas accéder à un autre monde (le suicide, elle a le pouvoir de faire des dégâts dans le monde des vivants (la sorcellerie)  et elle a un mobile voire un hobby (tuer des enfants). Juste avant de se pendre et juste après avoir sacrifié son nouveau né dans la cheminée, bref aux environs de 3H07, cette descendante d’une sorcière brûlée à Salem, a maudit tous ceux qui tenteraient de s’approprier ses terres. 

Et oui malheureusement les sorcières ne sont pas toutes des révolutionnaires de gauche. Il faut toutefois mentionner et je vous en reparlerais un jour que dans la vraie vie l’une des sœurs Perron a écrit un livre pour expliquer qu’en fait la sorcière était gentille et que tout le monde a rien compris. 

Mais restons pour le moment avec la version Warren – Wan de la sorcière infanticide suicidée de droite qui a pris pour cible la famille Perron.

Ca fait plusieurs fois que je parle des Warren « Les enquêteurs en paranormal les plus renommés au monde » à en croire James Wan. Il s’agit d’un couple très en lien avec l’église, ayant exercé pendant des décennies dans le champ du paranormal pseudo-scientifique. Lorraine Warren a un don de medium, Ed Warren est démonologue.

C'est une photo en très gros plan très mal cadrée de mon chat. On voit son oreille
ce plan du film montre les époux Warren donner une conférence, de multiples étudiants lèvent la main

Lorraine est bien plus affectée que son époux par les enquêtes qu’ils mènent. Elle laisse une partie d’elle-même dans chaque affrontement avec les créatures paranormales et elle n’est pas la seule. La sorcière infanticide suicidée ne vise que les femmes de la famille Perron et plus spécifiquement la plus vieille et la plus jeune.

A mesure que l’histoire avance, le corps de Carolyn se couvre de blessures de plus en plus graves. Ces violences domestiques sont l’œuvre de la revenante qui hante les lieux et qui progressivement s’approprie jusqu’ au corps de la nouvelle propriétaire.

Comme le remarque la chercheuse en histoire, Stéphanie Sauget, les femmes sont perçues comme les gardiennes du foyer. En tant que telles, les mères de famille sont les plus susceptibles d’entrer en contact avec les revenants et les démons. Hantées à leur domicile, elles sont considérées par le monde extérieur comme des « folles du logis ». C’est en effet dans le film principalement quand le père est absent que se produisent les attaques paranormales. 

Carolyn va de plus en plus mal, la famille ne vit plus que dans le salon qu’elle occupe nuit et jour. Ed et Lorraine Warren leur expliquent que cela ne servirait pas à grand chose de déménager car la sorcière pourrait décider de partir avec eux. Il faut donc exorciser la maison pour empêcher la sorcière « de posséder la mère pour tuer l’enfant » comme le souligne Lorraine qui a tout compris. 

Le problème c’est que les Perron ne sont pas pratiquants, l’Eglise contactée par Ed et Lorraine refuse de pratiquer l’exorcisme. Ed se voit contraint de se retrousser les manches pour exorciser la mère pendant que Lorraine essaie de sauver la plus jeune des filles. C’est finalement Lorraine qui parvient à chasser le démon en se servant de la commune expérience de la maternité qui l’unit à Carolyn. Elle parvient à la ramener au souvenir d’une journée en famille à la plage.

C’est un des rares cas dans lesquelles une femme se mêle d’un exorcisme, c’est d’autant plus surprenant qu’on est dans un film très conservateur. Mais l’honneur est sauf puisque tout finitions un bel ordre social et familial restauré avec un avertissement prosélyte mêlant religion et culture populaire. 

“Les contes de fées disent vrai. Le diable existe. Dieu existe. Et pour nous notre destinée dépend de celui sur l’on choisit de suivre. » Ed Waren.