Bernard Crettaz, anthropologue et sociologue suisse, a imaginé le dispositif du café mortel pour que « chacun qui se croit unique dans sa douleur, puisse se savoir participant d’une communauté où d’autres traversent la même épreuve. »
Le terme de café est important. Le bistrot pour Bernard Crettaz c’est un endroit où on se parle entre égaux. Le bistrot est un lieu accessible, Il n’y a pas de sachants d’un côté et d’ignorants de l’autre. On discute, on pense, on partage nos expériences sur un pied d’égalité.
« LE CAFÉ MORTEL N’A AUCUNE VISÉE THÉRAPEUTIQUE, MÊME S’IL PEUT « AIDER »… IL PERMET À CHACUN, QUI SE CROIT UNIQUE DANS SA DOULEUR, DE SE SAVOIR PARTICIPANT D’UNE COMMUNAUTÉ OÙ D’AUTRES TRAVERSENT LA MÊME ÉPREUVE. IL PERMET L’AVEU DU PLUS INDICIBLE ET DU PLUS INTIME DANS LA FUTILITÉ APPARENTE DES PROPOS DE CAFÉ DU COMMERCE. IL CRÉE LA LÉGÈRETÉ POUR AUTORISER L’AVEN LE PLUS PROFOND… CAR CHACUN LE SAIT, NOUS ALLONS AU BISTROT POUR AVOIR L’ESSENTIEL EN AYANT L’AIR DE RIEN. (…) FONDAMENTALEMENT, LE CAFÉ MORTEL RESTITUE LA MORT À LA COLLECTIVITÉ ALORS QUE TANT DE SPÉCIALISES VEULENT LA « SUBJECTIVISER ». (…). C’EST UNE PAROLE PUBLIQUE CONQUISE FACE À LA MONTÉE DES SAVOIRS SPÉCIALISÉS (…). »
BERNARD CRETTAZ.

Illustration par La Satanée
La café mortel comme si vous y étiez
Lorsqu’on arrive au café mortel on est convié à s’installer à une table. Ce sont des petites tables de 4 à 6 personnes comme au bistrot. Chacun choisit sa place.
C’est Elvire qui vous accueille. Le plus souvent en compagnie de bénévoles de Plan 9 et des personnes qui animent le lieu dans lequel on s’est donnés rendez-vous.
Elvire est l’animatrice du café mortel pour Plan 9. Elle est sociologue comme Bernard Crettaz, une grande fierté même si en vrai, n’importe qui peut animer un café mortel, s’il y a été formé. Il y a un super livre à lire pour commencer.
Elvire ouvre la séance en annonçant les règles du café mortel. Elles ont été posées par Bernard Crettaz, retravaillées par Plan 9 et ont également bénéficié d’échanges avec Margaux Bisson.
- Chacun doit parler en disant « JE ». Le « ON » est interdit car il nous conduit à dire des généralités éloignées de notre propre expérience. Le « on » projette aussi nos expériences et ressentis sur les autres.
- Pas de jugement de valeur. Chaque parole compte. En formant une communauté de paroles et d’expérience avec des inconnus, nous pouvons être surpris par des témoignages éloignés de nos expériences ou convictions. Nous n’avons pas toutes et tous les mêmes expériences du deuil et de la mort. Par exemple : Certaines pertes nous affligent quand d’autres peuvent être libératrices.
- Les émotions sont aussi importantes que les mots. Au café mortel, il y a des silences, des rires et des larmes.
Pendant une heure, Elvire fait circuler la parole. Personne n’est obligé de parler. Il n’y a pas de tour de table. Les personnes qui veulent prendre la parole lèvent la main.
Au bout d’une heure, Elvire répond aux questions s’il y en a – c’est le retour du sachant 😉 – Chacun part quand il le souhaite ou s’attarde pour prendre un verre.

Maison de quartier Penhouet, Saint Nazaire
